La face cachée de l'affaire Bundu dia Kongo
LA FACE CACHÉE DE L'AFFAIRE BUNDU DIA KONGO
La crise du Bas-Congo avec l'affaire Ne Mwanda Nsemi en 2008
Depuis quelques temps, les Congolais assistent au bras de fer qui oppose le gouvernement central de Kinshasa au mouvement politico-religieux Bundu dia kongo (BDK) dirigé par le député national Ne Mwanda Nsemi. Selon le gouvernement, il s'agit de rétablir « l'autorité de l'état » dans le Bas-Congo devenu semble-t-il une zone de non droit où la secte ferait régner sa loi, cherchant même, d’après le gouvernement, à balkaniser le pays et créer un Etat (Kongo Central). Les membres du mouvement religieux réfutent ces accusations en précisant qu'ils luttent pour leur dignité bafouée par le présent gouvernement.
Si pour plusieurs, le mouvement Bundu dia Kongo est une secte qui nuit à l'intégrité territoriale du pays, il n’empêche qu'une analyse froide et approfondie de la situation s'impose pour comprendre les motivations réelles des uns et des autres dans ce conflit qui a couté la vie à des milliers de Congolais originaires du Bas-Congo.
Les avis sont partagés quant aux responsabilités des uns et des autres dans ce conflit sanglant. Pour certains, ce mouvement ou secte devrait être complètement banni pour activités subversives, tandis que pour d'autres Bundu Dia Kongo est en état de légitime défense face au pouvoir dictatorial de Joseph Kabila. Ce qui est tout de même marquant, c’est l'intervention musclée des forces de sécurité dans ce coin du pays alors qu’à l’Est, dans les provinces du Kivu, où règne l’anarchie la plus totale entretenue par des milices rwandaises et autres, rien n’est fait. Le gouvernement ne pipe mot.
Il y a viol des femmes, d'enfants et mort d'hommes par millier dans les deux Kivu mais aucune action agressive du gouvernement, tout ce qui nous a été servi : une conférence pour la paix, histoire d’amnistier les tortionnaires de nos compatriotes Kivutiens.
Personnellement, je ne comprenais pas la raison de tous ces massacres au Bas-Congo jusqu’à ce que je suive le discours du député Ne Mwanda Nsemi au parlement. L'intervention de cet élu sur la situation au Bas-Congo fut pour moi très révélatrice. Ce jour-là Mwanda Nsemi avait dit, je cite : « Nous sommes farouchement opposés à la création des micro-états de l'apartheid dominés par des multinationales qui n'ont aucun souci pour les noirs, les premiers occupants de la terre. Voilà la face cachée de l'actuel massacre des Bakongo, une face cachée qui sent l'odeur du manganèse du territoire de Luozi ».
En écoutant ce discours, je me suis dit qu’il y avait aiguille sous roche. Je me suis demandé pourquoi le député avait-il parlé de « multinationales » et de « micro-états de l’apartheid »?
Mes recherches m’ont conduit à découvrir un incroyable projet diabolique pour notre pays. Chers compatriotes, les paroles du député Ne Muanda Nsemi doivent nous interpeller tous car il s'agit de l'avenir même du peuple Kongo et de l'intégrité territoriale de la RD Congo. Il n'est un secret pour personne que depuis toujours, les firmes internationales ont toujours manifesté un intérêt spécial pour nos ressources naturelles.
Et depuis un moment, on constate un intérêt très particulier de certaines firmes occidentales pour la province du Bas-Congo. Les richesses naturelles congolaises n'ont pas encore fini d'attirer la convoitise du monde. C'est dans cette optique que s'est tenue récemment une réunion du conseil mondial de l'énergie à Londres, rassemblant les représentants de sept pays africains et des plus grandes banques du monde, sur le financement du plus gros projet hydroélectrique au monde : le projet « Grand Inga »; étonnamment en l'absence des autorités congolaises!
Ce projet prévoit la construction sur le fleuve Congo, d'un barrage qui permettrait de produire deux fois plus d'électricité que la plus grande centrale hydroélectrique au monde située en Chine pour un coût estimé à 80 milliards de dollars.
Ce projet ne date pas d'aujourd’hui. C’est en 2002 qu'un groupe de travail – composé de Charles Vanacker (ancien pilote d’air zaïre), Pol Mouzon et Marcel Baikry, tous deux d’anciens pilotes chez Sabena –, a initié ce projet. Il est à noter que ces trois individus ont une grande connaissance du Congo pour y avoir vécu.
Il est aussi à préciser que la construction de grand Inga fait partie d'un grand projet industriel, économique et politique que ces individus ont baptisés « Emphytéose de Moanda ».
Une emphytéose est un Bail à long terme que confère un droit d'hypothèque (droit réel qui garantit le créancier sans déposséder le propriétaire). Dans le cas d'espèce ce bail est de 99 ans, soit près d'un siècle. Hong Kong, Shanghai et Macao sont les exemples d'emphytéoses connus dans l'histoire récente de l'humanité.
C’est en m’intéressant à ce projet que j’ai compris les propos du député Mwanda Nsemi. C’est là à mon avis, que réside l’origine de la crise qui sévit actuellement dans la province du Bas-Congo.
L’emphytéose de Moanda est un projet unique en son genre. Il s'agit pour les initiateurs dudit projet de tirer profit des ressources du fleuve Congo en construisant :
1) Le barrage du grand Inga (Inga 3);
2) Un canal à proximité du fleuve qui rendra le fleuve Congo navigable de l'embouchure à Kisangani en passant par Matadi, Kinshasa et Mbandaka;
3) L'aménagement, toujours au niveau de l'embouchure d'une aire de captage d'eau drainée par le fleuve Congo et qui pour la RDC, est une richesse immense au moment où elle devient une denrée rare à travers le monde et enfin;
4) la construction d'une gigantesque industrie de production d’hydrogène.
Pour les initiateurs, la pérennité de leur projet réside à la création d'une emphytéose compte tenu de l'instabilité politique chronique en RD Congo. La mise en place de cette emphytéose consisterait pour l'Etat congolais a céder pour une durée de 99 ans une partie de son territoire (Moanda et ses environs) à un consortium d'états industrialisés composés essentiellement de l'Union européenne, des Etats-Unis, du Japon et du Canada, et à cela s’ajoute le Fond Monétaire international (FMI) et la Banque Mondiale.
Et ce qui est quand même grave, c’est que l'emphytéose de Moanda jouirait d'une certaine souveraineté en ce sens qu'elle aura son administration publique, sa monnaie (Euro), sa police, sa gendarmerie, sa loi foncière et son parlement par l'entremise d'un conseil d'administration. Il s'agit ici d'un état dans un état.
Les conséquences d'un tel projet seraient catastrophiques tant pour l'intégrité territoriale de la RD Congo que pour les populations autochtones de ces territoires qui se verront sans statut légal, puisqu’ils ne feront plus partie du Congo; ils seront en fait des citoyens sans statut d’une certaine façon puisqu’ils feront partie d'un territoire quelconque dirigé par des étrangers, et qui sait comment seront-ils alors traités?
Qu'adviendraient-ils de tous ces Congolais qui n'auront plus de droit de manifestations politiques car l'administration sera entre les mains d’étrangers qui n'auront besoin des Congolais que pour les tâches d'exécution, sans aucune participation à la prise des décisions les concernant, en d'autres mots des esclaves des temps modernes.
Et que dire alors de l'accès à l’océan qui sera sous contrôle étranger avec les conséquences géopolitiques et économiques catastrophiques pour le pays? Il suffirait d'un blocus maritime pour isoler et priver l'Etat congolais et son peuple de toute exportation et importation, une asphyxie économique pure et simple pour le pays.
Voilà pourquoi le député Ne Mwanda Nsemi, lors de son allocution au parlement, sous les rires inconscients de ces collègues députés ignorants, disait: « Nous sommes farouchement opposés à la création des micro-états de l'apartheid dominés par des multinationales qui n'ont aucun souci pour les noirs, les premiers occupants de la terre. Voilà la face cachée de l'actuel massacre des Bakongo, une face cachée qui sent l'odeur du manganèse du territoire de Luozi. »
En portant un regard objectif sur la crise, les massacres et toute l’instabilité que cela génère, on est en droit de se poser certaines questions. Le massacre des habitants du Kongo Central à travers l'opération que le ministre de l'intérieure, le généralissime Denis Kalume, a qualifié de « restauration de l'autorité de l'état » et l’instabilité qu’il a générée n'est-il pas le prétexte parfait pour mettre en branle ce projet diabolique?
Je m’explique. Depuis belle lurette, les habitants du Kongo Central ont toujours vécu dans la paix. Or une paix durable ne pourrait justifier un bail emphytéotique puisque l’instabilité est l’élément essentiel brandit par les initiateurs du projet pour demander un bail emphytéotique, lequel protègerait mieux les investissements du consortium.
D'où la nécessité pour certains esprits mal intentionnés de créer un contexte d'instabilité qui justifierait la création pure et simple d'une emphytéose qui garantirait l’investissement du consortium appelé à exécuter les différents projets. Dès lors, on comprend pourquoi le ministre de l’intérieur congolais a empêché à plusieurs reprises le chef spirituel de BDK de rencontrer ses adeptes pour les ramener à l'ordre. On comprend pourquoi ce même ministre voulait par la même occasion monter une guerre de religion entre ce mouvement politico-religieux et l'église catholique.
D’ailleurs Ne Mwanda Nsemi, lors de son allocution au parlement, avait cristallisé ses camarades députés en affirmant que des sommes importantes (90 millions$) avaient été distribuées à deux généraux de l'armée congolaise – faisant allusion à Denis Kalume et John Numbi – par une firme étrangère! Il faut surtout faire remarque depuis 2002, ce projet est sur le bureau de Joseph Kabila.
« Tous les Congolais, dit Mwanda Nsemi, doivent se prononcer contre ce projet dont la finalité n'est que la balkanisation du pays ». Même son de cloche chez certains leaders et ressortissants de la côte Congolaise, notamment ceux de l'ONG «Alliance Woyo », qui estiment, selon leur président, Apenela Mwe-di-Malila que « ce projet est conçu au mépris de l'Etat Congolais dont la souveraineté vendue aux enchères, est sacrifiée sur l'autel des intérêts économiques et mesquins par des ennemis du peuple Congolais » La vérité est là et quoi qu'il en soit.
Par Richard NKUDI, Mardi 19 Juin 2012.
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